Le problème d’alcool dans la vie et dans la société

Le problème d’alcool dans la vie et dans la société

introduction

C’est un problème capital par sa fréquence. On trouve près d’un tiers de la population de Liège avec des problèmes d’alcool dont 7 % avec des problèmes de dépendance. Le phénomène semble en augmentation. Il concerne beaucoup plus l’homme que la femme (sex ratio 3 – 4) mais cette tendance tend à diminuer car l’alcoolisme féminin est en augmentation de façon dramatique.

  • Définition

Un des gros problèmes est la difficulté de la prise en charge de l’alcoolique car la plupart ne se considèrent pas comme alcoolique. De plus, la différence entre le normal et le pathologique est subtile. Pour l’évaluation, on a montré qu’elle dépendait de la consommation du médecin qui est d’autant plus laxiste que sa consommation personnelle est élevée. On parle d’alcoolisme quand la consommation est excessive, c’est à dire qu’elle a des conséquences négatives physiques, psychologiques ou sociales ou à une perte de contrôle. L’essentiel de la prise en charge sera de faire prendre conscience à l’alcoolique qu’il a une consommation inadéquate.

  • Homme : C’est un trouble qui commence tôt dans la vie (adolescent, jeune adulte, à l’unif…), où la personne a une consommation et une tolérance plus importante que les autres. La consommation reste élevée et à tendance à s’accroître sans poser de problème majeur jusque 35 – 40 ans. C’est à ce moment-là (càd 20-30 ans après) que l’alcoolisme commence à avoir des conséquences professionnelles, familiales (dépense de l’argent du ménage, violence), problèmes de santé physique (foie), des ennuis avec la justice, la police (bagarre, conduite en état d’ivresse) d’évolution assez chronique avec aggravation.
  • Femme : L’expression de se trouble est un peu différente ; l’alcoolisme féminin est beaucoup plus caché, plus honteux, plus secret, plus discret, pratiqué à domicile mais plus grave que l’alcoolisme masculin car la femme supporte moins bien les boissons alcoolisées et les choisit mal, ce qui engendre beaucoup plus vite des conséquences sur sa santé. En effet, l’homme boira surtout des bières et du vin (relativement peu toxiques et contenant quelques vitamines) tandis que la femme choisit plutôt des liqueurs (Grand Marnier, Cointreau …qui sont plus toxiques).
  • Classification de l’alcoolisme

On peut utiliser deux classifications qui sont tout à fait indépendante l’une de l’autre.

1ère Classification

  • Alcoolisme primaire : pas précédé de trouble psychiatrique, apparaissant spontanément.
  • Alcoolisme secondaire : complication d’un trouble psychiatrique (pe : trouble panique : patient qui piccole avant de prendre l’avion, phobie sociale : pour affronter le regard d’autrui).

2ème Classification

TypesIII
OrigineCirconstancielleGénétique
Age de Début> 25 ans< 25 ans
Recherche spontanée d’alcoolRare (passif, entraîné par des copains)Fréquente
Bagarres et arrestations après prise d’alcoolRareFréquente, typique
DépendanceFréquente (pour se sentir bien)Rare
Culpabilité et peur du sujet de la dépendanceFréquenteRare
Traits de personnalité (évalués via des questionnaires)Evitement du danger Dépendance à la récompense (avoir besoin d’encouragement, de sollicitation)Recherche de nouveauté (très marqué) N’évite pas le danger (aime saut à l’élastique, sensations fortes, rouler vite)
(1)   Habitude sociale : Culture locale, mœurs, souvent lié à une production locale (Peket à Liège, vin dans le Bordelet …).
(2)   Goût : personne qui apprécie la saveur des boissons alcoolisées.
(3)   Contacts sociaux (fêtes, on boit entre copains).
(4)   Diminution des symptômes anxieux : affronter des situations, aller à un examen.
(5)   Diminution des symptômes dépressifs : elle se sent mieux après avoir bu.
(6)   Désinhibition : pour faciliter les contacts interpersonnels, car l’alcool fait disparaître les barrières (permet au garçon de draguer les filles en discothèque).
(7)   Sevrage : pour compenser les symptômes de manque.
·          Quotidienne : elle est souvent croissante et conduit à la dépendance.
·          WE : classique chez les étudiants.
·          Périodique: périodes de grosse concommation qui alternent avec des périodes de consommation raisonnable ou d’abstinence.
  • liés à l’alcool

C’est la consommation de façon aiguë d’une quantité excessive d’alcool, aboutissant à des modifications comportementales importantes : démarche ébrieuse, regard bizarre, discours bredouillant …

A l’inverse, les gens qui consomment régulièrement de l’alcool sont moins sensibles car des phénomènes d’adaptation et de tolérance s’installent. Si un alcoolique vous  dit qu’il n’est jamais saoul, c’est un facteur de gravité important.

Arrêt ou diminution trop drastique de l’alcool chez une personne qui est nécessairement dépendante préalablement. Il se manifeste par des symptômes physiques désagréables et même parfois dangereux pouvant entraîner la mort de l’individu (délirium tremens).

Ce sont surtout des tremblements, des nausées et vomissements, une profonde angoisse, des malaises. D’autres symptômes fréquents sont l’hyperactivité neurovégétative, l’insomnie, des hallucinations (zoopsies, avec des animaux terrifiants), agitation psychomotrice avec même parfois des crises convulsives de grand mal.
La forme la plus grave est le délirium tremens qui aboutit au coma et à la mort de l’individu dans 20-25 % des cas

Consommation excessive entraînant des répercussions négatives, sans encore avoir les problèmes de dépendance. C’est quand le patient ne peut plus remplir ses obligations majeures comme aller travailler ou quand il en consomme dans des situations dangereuses : conduite d’un véhicule, travail sur les toits… ou encore quand l’alcool entraîne des problèmes judiciaires (ivresse au volant, bagarres) et que le patient continue à boire malgré tous les problèmes qu’il rencontre.

Il existe un phénomène de tolérance et le patient doit boire des quantités croissantes pour ressentir les effets de l’alcool. La personne a des symptômes de sevrage qu’elle doit prévenir. La personne ne peut plus contrôler ou arrêter sa consommation. La plupart des activités importantes sont abandonnées (loisirs, sociales, professionnelles) et le patient passe le plus clair de son temps à chercher de l’alcool. Il faut distinguer la dépendance avec dépendance physique (sevrage, tolérance) et celle sans dépendance physique.

  • Pathogénie
Père alcoolique ® fils avec un risque × 4. Ca ne joue que de père en fils et pas de mère en fils ou fille. Cela a été démontré chez des fils de père alcoolique élevé dans une famille différente. Il y a un gène de susceptibilité sur le chromosome 11 (gêne qui code pour un récepteur dopaminergique D2, impliqué dans les circuits de récompense et du plaisir) sur lequel il y a une concentration anormalement élevée de l’allèle A1 qui serait moins sensible. Donc pour obtenir un même plaisir, la personne doit se charger en beaucoup plus grande quantité d’alcool. C’est ce qui explique aussi le fait que le risque d’alcoolisme est beaucoup plus élevé pour les gens qui supportent bien l’alcool.
 
 
L’alcool est métabolisé en acétaldéhyde et puis en acide lactique (par l’alcool déshydrogénage et puis par l’acétaldéhyde déshydrogénase). L’alcool est une molécule qui donne des sensations agréables tandis que l’acétaldéhyde est une molécule désagréable, qui provoque des nausées, des vomissements (l’acide lactique est quant à lui inerte). Selon l’activité relative des deux enzymes de la chaîne métabolique, la prise d’alcool provoquera des sensations de bien être (beaucoup d’alcool et peu d’acétaldéhyde) ou bien des effets désagréables si la production d’acétaldéhyde est importante. Ceux qui ont essentiellement des effets désagréables deviendront moins vite alcooliques.
  •     (Les asiatiques tolèrent très mal l’alcool)
·        Traits de dépendance orale (stade psycho-affectif, gens qui ont beaucoup de besoins affectifs oraux et qui comblent cela par l’alcool et aussi souvent par la nourriture).
·         Diminution de l’estime de soi : personne qui a une vision pauvre de ses capacités, que l’alcool améliore.
Ø  Désir d’autodestruction (équivalent d’un suicide lent)
Ø  Impulsivité (impossibilité à contrôler ses émotions), comme par exemple les types de personnalités limites et antisociales.
Ø  Homosexualité latente (plus controversé) car l’alcoolique passe sont temps au café, endroit où il y a surtout des hommes.
·         Modeling (milieu, parents), par imitation
·         Apprentissage avec renforcement positif (par le milieu, par l’effet de récompense).

Tous les problèmes de carence affective et de stabilité dans l’enfance

Problème relationnel avec les femmes, entre couplés d’un peu d’homosexualité latente, dépendance à la mère idéalisée chez l’alcoolique

Profession à risque : médecin, policier, secteur HORECA, représentant, travailleur de la construction, soldat, homme politique, étudiant, pute.

Le nombre d’alcoolique est proportionnel à la consommation moyenne régionale de boissons alcoolisées. Par contre, très peu de différences liées au milieu social (il n’y a pas plus d’alcooliques dans les milieux défavorisés) mais les alcooliques évoluent vers la déchéance sociale et le décrochage scolaire.

La pathogénie décrite ci-dessus concerne l’alcoolisme masculin. Les éléments pathogéniques principaux entrant dans l’alcoolisme féminin sont la dépendance orale, la perte d’estime de soi et surtout le désir d’autodestruction très marqué avec risques de symptômes dépressifs et de suicide.
  • Médicales
Ø  Digestives (cirrhose, ulcère, pancréatite chronique)
Ø  Neuropathies périphériques avec douleurs, impuissance
Ø  Démence alcoolique de Korsakoff (la personne présente des amnésies et invente des pseudo-souvenirs)
  • Psychiatriques
Ø  Dépressions qui ont un taux de suicide important
Ø  Délires de jalousie et sentiments de persécution.
(3)   Sociales :
Ø  Familiales : Divorce, maltraitance : l’alcoolique vit souvent entre hommes, il a une relation bizarre de mépris vis à vis des femmes, sauf la mère qui est très idéalisée.
Ø  Professionnelles : Licenciement
(4)   Chutes et accidents
(5)   Bagarres, homicides : plus de la moitié des homicides non prémédités sont commis sous l’influence de l’alcool, en particulier les crimes passionnels.
(6)   Action tératogène : malformation des membres et malformation du cœur si la femme boit pendant les trois premiers mois de la grossesse. Il n’y a probablement pas de risque lorsque la consommation est de 1 verre par jour et il y en a dès 4 verres. On peut avoir des réactions de sevrage chez les nouveau-nés de mère alcoolique.

Le type I est de meilleur pronostic que le II parce qu’on pourra éventuellement agir sur des facteurs circonstanciels. De même, l’alcoolisme II aire sera plus facile à traiter que la I’aire.

(1)   Nécessité d’une prise en charge à long terme.
(2)   Il faut toujours prôner l’abstinence complète car le fait de reprendre ne serait-ce qu’un verre mais 10 ans après va entraîner une rechute dans 95% des cas. Dans certains cas néanmoins, on n’arrivera pas à une guérison complète mais déjà à diminuer sensiblement et limiter les conséquences liées à l’alcool.
(3)   Pas de panacée, essayer d’intensifier la prise en charge, plus il y a de partenaires, plus elle sera efficace
(4)   Impliquer la famille et le milieu, utiliser tous les moyens disponibles.
(5)   L’alcoolisme est une maladie mais ça ne déresponsabilise pas la personne qui doit apprendre à gérer sa maladie comme un diabétique.
(6)   Pas de pessimisme excessif, l’alcoolisme est une maladie récupérable. Avec une bonne prise en charge, on guérit un patient sur deux.
(1)   Identification du patient alcoolique
·         Consommation excessive : remarquée par l’entourage, famille, collègue, MG.
·         Complications médicales : perturbations hépatiques, (surtout g-GT qui est très sensible mais peu spécifique), VGM, CDT (Carbohydrate Deficient Transferrine) son dosage n’est pas remboursé mais c’est un marqueur fortement lié à la consommation chronique d’alcool.
·         Anamnèse :
Ø  On doit poser la question de savoir ce que le patient boit comme boisson alcoolisée et les passer en revue (« que buvez vous comme boisson alcoolisée et puis buvez vous du vin, de la bière, du whisky… »). Généralement, l’alcoolique avoue la moitié de sa consommation, pas parce qu’il est de mauvaise foi mais parce qu’il banalise, qu’il se base sur les bons jours qui ne sont pas les plus fréquents.
  • On demande de quand date l’alcoolisme, et on essaye d’identifier l’histoire classique, le type I ou II. On évalue la quantité de boisson qui est prise, on recherche l’existence de période de sevrage, avec l’apparition éventuelle de symptômes pendant ces périodes.
  • On recherche les conséquences familiales, professionnelles, judiciaires de l’alcoolisme. On demande si le patient est agressif, s’il a subit des cures, des traitements. On essaye d’évaluer le stade de l’abus ou de la dépendance.
  • Un signe est que la première boisson alcoolisée est prise au petit déjeuner pour calmer les symptômes de manque. Une autre bonne question est de demander à l’alcoolique s’il lui arrive d’être saoul, et quand il ne l’est jamais, on considère que c’est un facteur de gravité.
(2)   Aboutir à une prise de conscience par le patient
C’est une étape très difficile car un mécanisme classique et très puissant chez l’alcoolique est le déni (= refuser de voir ce que l’on ne veut pas voir). Il va vous dire par exemple, « Impossible car je ne suis jamais saoul ». On doit insister sur les conséquences néfastes, dire que ce n’est pas normal
(pe: g-GT 10x plus haut que la normale, nombreuses fois convoqué au tribunal pour état d’ivresse).
(3)   Motiver le patient à arrêter de boire
Dès que le patient est désireux d’un changement, il va falloir travailler cette motivation pour qu’elle s’accroisse. Il faut insister sur les bénéfices, montrer que s’il arrête, il va supprimer les conséquences (impuissance, amélioration de la situation familiale…).
 
 
(4)   Désintoxication, sevrage
A l’hôpital ou en ambulatoire (avec surveillance étroite du MG). On supprime l’alcool et on y associe des médicaments pour supprimer le syndrome de sevrage. On donne du Valium® avec de la vitamine B1 pour prévenir les neuropathies. On commence avec 60 mg de Valium qu’on va donner en doses dégressives C’est relativement facile et se passe très bien dans de bonnes conditions. En 3 semaines, le patient est indemne.
 
C’est ensuite que commence les choses difficiles :
 
(5)   Rupture avec le milieu alcoolique
Dès la sortie, il ne doit plus aller fréquenter ses copains du café. Il faut le dépayser : sport, ballades dans les Ardennes … sinon la rechute est inéluctable.
(6)   Psychothérapie
·         Soutien : elle doit être intense, empathique, investie, comme un entraîneur vis à vis d’un joueur. Il faut un petit côté paternel, en recontactant le patient s’il ne vient pas. Il faut envoyer des retours positifs (fier de vous, ça fait deux mois que vous avez arrêté, personne n’y croyait et vous y êtes arrivé, votre épouse est à nouveau comblée…).
·         Thérapies spécialisées : en particulier des jeux de rôles pour apprendre à résister à la prise du premier verre (approche comportementale), familiales, psycho-dynamique. Il existe des centres avec des psychiatres spécialisés.
(7)   Groupes d’entraide
« AA » ou « Vie libre ». Ces deux groupes ont des fonctions similaires, ils ne sont formés que d’alcooliques, il n’y a pas de thérapeute (pas de médecin, pas de psychologue). C’est très utile car cela crée une solidarité, un échange d’information, conviction très intense s’opposant au déni : ils se déclarent alcoolique pour toujours.
(8)   Traitement médicamenteux
·         Antabuse® : Molécule particulière qui n’a pas d’effet en elle-même mais qui en bloquant l’acétaldéhyde déshydrogènase donne une réaction très désagréable lors de la prise concomitante d’alcool. C’est un traitement de dégoût (accumulation massive d’acétaldéhyde, qui peut même être parfois dangereuse !). On peut l’utiliser après sevrage chez des personnes qui sont fragiles. On peut faire des contrats avec des patients pour qu’ils le prennent mais jamais leur donner à leur insu. Le patient en prend tout le temps ou occasionnellement quand il se sent fragile (1/2 cp tous les matins).
·         Campral® : Traitement plus récent qui diminue le besoin et l’envie d’alcool après sevrage (agit par blocage de certains AA excitateurs). Il faut donner 6 cp par jour. C’est un traitement qui doit être régulier, chronique et qui est assez cher. L’association avec l’antabuse est permise car ce médicament n’a pas d’effet antabuse. Si on boit sous campral il ne se passe rien.
·         Antidépresseurs : Ils n’ont pas d’action directe sur la consommation d’alcool mais améliorent le vécu dépressif dans la période post-sevrage.

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